Des chercheurs ont réussi à recréer une carte interactive des courants
venteux de la planète en utilisant les données numériques de plusieurs
organismes météorologiques. Mise à jour toutes les trois heures, elle
montre les vents se déplaçant, tels des serpents autour des terres et
océans.
Arrivés à Richards Bay [ Afrique du sud ] le 8 novembre dernier, Yann Quénet et Baluchon bouclent ainsi la traversée de l'océan Indien. Yann Quénet souhaite désormais rejoindre Le cap avant de remonter l'Océan Atlantique pour espérer arriver en Bretagne ( Saint Brieuc) pour l'été 2022.
Le courant des aiguilles
La navigation jusqu'au Cap peut s'avérer "difficile" en raison du courant puissant des aiguilles qui se confronte aux courants froids remontant de l’Antarctique ainsi qu'à des vents contraires.
Dessin Jean Yves Le Fourn
Rejoindre Le Cap par la route serait donc envisageable, avec Baluchon en remorque, soit donc la distance équivalente parcourue entre Saint Brieuc et Lisbonne, en avril 2019 [ 1800 kms environ].
Carte des trajets de navigation
A partir du Cap, prenant en compte la combinaison favorable des courants et des vents, il pourrait alors envisager de rejoindre l'Ile de Saint Hélène, le Brésil, les Antilles, les Açores puis enfin la Bretagne.
L'ensemble du périple retour, à travers l'atlantique, représente environ 17 000 kms ( 9 000 miles nautiques ), l'équivalent de 120 jours de mer (4 mois de navigation); soit donc le dernier tiers de son tour du monde...
Yann Quénet nous partage le récit de la traversée La Réunion- Afique du sud:
"Avec un peu de retard, des extraits de la traversée de Baluchon vers l'Afrique du sud:
Le matin du départ, c'est un peu l'effervescence, plusieurs amis sont venus me dire au revoir, même que deux d'entre eux se sont ramenés avec une cornemuse, une caisse claire et un énorme Gwen-a-Dü. Dès le petit matin, de la musique Bretonne résonne sur les quais. En même temps que ça me fout une chaire de poule pas possible, ça rameute encore plus de monde. Encore une fois, ce départ ne se fera pas sous le signe de la discrétion.
Je ne suis pas en grande forme, quelques jours plus tôt, j'ai été victime d'un guet appen amical (mais néanmoins sournois) au rhum arrangé, je me suis retrouvé comateux au petit matin sous un toit que je ne connaissais pas, avec seulement de très vagues souvenirs du déroulement de la soirée précédente.
Malheureusement je ne me suis pas réveillé comme je l'aurais tant aimé, avec une jolie petite métisse créole à mes cotés, mais j'avais quand même partagé le bout de matelas qui m'avait servi de lit avec de charmantes araignées ou des bestioles dans le même genre, qui en guise d'affection, m'avaient boulotté un pied pendant la nuit , (heureusement elles ne s'étaient arrêtées qu'au pied !) il était devenu violet et tout, gonflé, et comme j'avais éclaté les grosses cloques provoquées par les morsures en les grattant inconsciemment dans mon sommeil, j'avais tout le dessus du pied à vif. En plus d'avoir des kangourous qui jouaient au rugby dans mon crâne , je marchais en boitillant à cause de se foutu pied que je n'arrivais même plus à rentrer dans ma chaussure.
Rien que le mot "rhum" me foutais la gerbe, ce qui fait que la soirée d'adieu organisée le soir même avec les copains d'Orialis (un voilier en aluminium croisé en Polynésie qui comptait partir le même jour que moi) à été bien plus sobre.
Photo Régis Henry
Malgré ça, ce matin je suis encore bien vasouilleux, je manque sérieusement d'entraînement. La sociabilisation, ça a sûrement du bon, mais visiblement il est temps pour moi de repartir, j'aurais tout le temps de me reposer en mer.
ce séjour à la Réunion aura été tout de même une sacrée escale. [....]
Arrivée dans la grande darse d'entrée du port, je peux enfin dérouler la voile et tirer quelques bords.
Tout un tas de gamins sont là à apprendre le kayak sur le plan d'eau, on échange quelques mots. La monitrice très charmante leurs explique que j'arrive de Nouméa et que je pars pour l'Afrique du Sud, visiblement aucun de ces lieux ne dit rien à ces marmots.
-On peut vous accompagner monsieur ?
À ce moment une bonne bourrasque me tire pour de bon du port, je fais des grands signes aux gamins et aux copains sur les quais.
Adieu la Réunion ! Quelle sacrée escale ça a été !
Mais ça fait du bien aussi de reprendre la mer, je suis tout euphorique et je sens mon petit Baluchon impatient de revoir le large. [....]
Le trajet cette fois, consiste à contourner Madagascar par le Sud et ensuite tracer plein Ouest vers le port de Richard's Bay, soit une petite étape de seulement 1500 milles. [....]
La première semaine, le vent n'est pas au rendez vous,, c'est tout mollasson, même si habituellement, le manque de vent m'énerve un peu, cette fois, je plonge avec délectation dans une sorte de rêverie permanente, parfois même, je laisse Baluchon aller comme ça lui plaît, à on arrivera quand on arrivera, y'a pas le feu au lac non plus.
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J'ai encore des soucis d'électricité, ma batterie neuve ne charge pas du tout, je pense d'abord à un problèmes sur les régulateurs de mes deux petits panneaux solaires, mais même en les court-circuitant, les panneaux arrivent à peine à compenser la consommation du détecteur AIS qui est particulièrement sobre en énergie, bref cette fois ce sont les panneaux qui sont en train de me lâcher, si ça ce trouve, ce sont même eux qui sont à l'origine de la mort de mes batteries pendant la traversée précédente.
Mais ça ne me fait ni chaud ni froid d'être en rade d'électricité, ma nouvelle girouette automatique fait le travail parfaitement, j'ai un feu de navigation de secours qui tient pratiquement deux nuits de suite avec un jeu de piles, et ma liseuse est chargée à bloc, pas la peine de se faire du mouron avec les photons ! Pour ma position, je me contente d'allumer ma tablette une minute par jour pour avoir mon point GPS et suivre le reste du temps le cap au compas, j'ai en plus un GPS classique à pile en réserve au cas où, bref, je pourrais largement tenir des semaines sans électricité, pas la peine de se prendre la tête pour rien finalement.
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La pointe sud de Madagascar est réputée pour avoir du mauvais temps presque toute l'année, il est conseillé aux navigateurs de bien contourner l'île par le Sud, pas à moins de 150milles de la côtes , certains préconisent même 200 milles, comme je suis un garçon pragmatique, je coupe la poire en deux et vise à 175 milles, de toute façon, je m'attends à me faire bien brasser, c'est une de mes devises préférée, "Attends toi au pire comme ça tu n'es jamais déçu" .
Dès que je commence à bifurquer vers l'Ouest, je sens tout de suite qu'il va se passer quelque chose, il y a très peu de vent, mais le bateau et la voile sont couverts de condensation, des milliers de gouttelettes tombent en pluie sur le pont à chaque fois que la voile faseye, pas besoin d'être experts en météo pour comprendre que le temps va sûrement changer d'ici peu.
Bien vu ! Une heure plus tard presque instantanément, le vent vire radicalement plein sud et se met à souffler très fort, la mer se lève presque à déferler.
Dessin de Yves Deniaud
Ça secoue dur, d'autant que cette fois, pas question d'appliquer, ma méthode du bouchon (appelée aussi la méthode du shaker ou encore de la poule mouillée), méthode qui consiste, face aux situations de mauvais temps à s'enfermer dans le bateau et d'attendre comme on peut que ça ce passe. Cette fois, il n' y a pas le choix, il faut faire comme les grands et affronter la mer en faisant route coûte que coûte, Dans ce secteur, on peut attendre longtemps avant que la mer se calme, et avec ce vent du sud qui a l'air de venir tout droit de l'Antarctique tant il est glacial, on ne peut que dériver que vers le Nord et donc, se rapprocher du plateau continental au Sud de Madagascar avec une aggravation systématique de l'état de la mer.
Malgré son manque de puissance et de vitesse, Petit Baluchon se bagarre comme un beau diable face aux éléments, comment je suis trop fier de ce petit navire !
Tout irait pour le mieux sans qu'un bruit effrayant se mette à résonner de partout dans le bateau, j'ai un moment l'impression que quelqu'un est en train de jouer au marteau piqueur sur le pont tellement le bruit est fort, (c'est une image bien sûr, vu l'état de la mer, personne ne peux tenir à l'extérieur sans se faire éjecter dans la seconde, qui plus est, même si je suis le mec le plus sympa et tolérant du monde, je serais tout de même intervenu pour stopper un individu qui s'attaquerait au pont de mon bateau avec un tel engin) .
Au bout de plusieurs minutes, j'arrive à localiser d'où vient le bruit, c'est en fait l'extrémité de ma godille, saucissonnée le long de ma main courante, qui se met à vibrer comme une folle, il faut arrêter ça le plus rapidement possible car j'ai peur que ça rentre en résonance et que ça finisse par casser quelque chose.
Depuis un bail déjà, les vis de fermeture du capot avant sont cassées, je serre maintenant le joint d'étanchéité avec deux cordelettes que j'entortille sur deux petit bout de bois, c'est aussi efficace que les vis, mais c'est bien plus long à défaire, surtout dans ces conditions.
Enfin, j'arrive, en passant la tête par le capot à ficeler à peu près correctement le bout de la godille vibrante tout en recevant au passage de bons paquets de mer, heureusement, j'avais auparavant bien pris soins de me foutre à poil histoire de ne pas mouiller mes vêtements. En rentrant à l'intérieur, c'est à nouveau tout un bordel pour remettre les cordelettes de fermeture, les vagues déferlent encore et encore sur le pont, il faut se magner le train.
Mais dans la précipitation, les secousses et mes tremblements à cause du froid, je casse un des petits bout de bois de serrage, l'eau pisse de partout, je prends la première chose qui me tombe sous la main pour serrer la cordelette: ma brosse à dent, qui fait le travail parfaitement.
Ouf enfin au sec ! Enfin "au sec": façon de parler, comme un con j'ai laissé mes vêtements et mon sac de couchage sur ma couchette du tout est archi trempés, même ma serviette pour m'essuyer. J'arrive tant bien que mal à me sécher, et enfile mon dernier tee-shirt sec, je sorts mon vieux ciré tout moisi pour essayer de me protéger du froid et de l'humidité et me réchauffer un peu.
Baluchon n'a plus vraiment besoin de moi maintenant et file tour seul dans la plume, parfaitement dirigé par Bébert la girouette automatique.
Le gros temps va durer comme ça 48 heures sans vraiment de problèmes, à part le fait que je ne peux plus utiliser ma brosse à dent, je vais sûrement un peu puer de la gueule pendant quelques jours, mais, à vrai dire ça ne va pas déranger grand monde.
Le reste de la traversée va se poursuivre sous toutes sortes de conditions de mer et de vent, je reprends mes rêveries nonchalantes, le temps passe ainsi bon an mal an, mais je ne suis pas aussi serein et confiant que le sur la première partie. La réputation de sale temps aux alentours de l'Afrique du Sud doit probablement me travailler un peu le cerveau.
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À 150 milles des Côtes Africaines, le vent assez costaud de 30noeuds cesse brutalement, le bateau se met alors à gigoter comme c'est pas permis sur cette mer encore perturbée, impossible de garder la voile à poste tant ça roule, c'est infernal, j'attends une nuit entière à dériver et à me faire secouer comme un prunier, au petit matin je peux enfin mettre de la toile et faire un peu de route, mais c'est assez pénible, le soir suivant, de méga éclairs zèbrent le ciel de partout, accompagnés par des grondements terrifiants, le vent est faible et change de direction en permanence, ça commence à m'agacer.
Je visais jusque-ici un point situé à environ 30 milles au Nord de Richard's bay, pour contrer le courant du canal du Mozambique qui déboule à 4-5noeuds vers le Sud tel un tapis roulant géant, mais durant la dernière nuit, encore sous des orages impressionnants, je fais mon timide et me tiens par excès de prudence à environ dix milles de la côte, au petit matin, l'Afrique m'apparaît enfin. Depuis 48 heures je la sentais, une odeur très forte, un mélange de terre mouillée et de végétation,
-L'AFRIQUE MEC ! L'AFRIQUE !
Que je me répète sans cesse sans vraiment y croire.
Dessin de Yves Deniaud
Mais la belle Afrique est aussi capricieuse, elle sait se laisser désirer, le vent m'abandonne à seulement 7 milles, de l'arrivée, la côte défile devant moi à toute vitesse sans que j'ai la possibilité de m'en approcher, Richard's bay, et les nombreux cargos mouillés devant me regardent passer tranquillement, j'essaye tant bien que mal de profiter du moindre souffle d'air sans beaucoup de résultat, ma voile n'est pas vraiment faite pour le tout petit temps.
La carte indique plus de 80 mètres de fond, impossible de balancer mon ancre, pas question non plus d'attendre la renverse de courant comme en Bretagne, ici ça descend indéfiniment vers le sud.
Je croise par hasard, un petit bateau de pêche au gros, je l'interpelle en soufflant dans un petit sifflet en plastique, les types à bord on l'air de complètement halluciner quand je leur explique que j'arrive de France.
Tout de suite, le patron du bateau appelle un copain à lui à la VHF, pour venir me tracter, (ha oui tiens la VHF ! Ça ne me vient toujours pas à l'esprit d'utiliser cet appareil, il me reste pourtant quelques volts pour un appel, je préfère visiblement mon petit sifflet en plastique).
Quinze minutes plus tard, une petite barge qui sert au transfert des équipages sur les cargos au mouillage vient exprès vers moi pour me remorquer, les gars sont super courtois et amicaux, on se présente par nos prénoms, Baluchon est alors tracté tranquillement, on s'arrête un moment pour prendre une équipe sur un cargo et on se dirige vers l'entrée du port.
Pendant ce temps, le vent se lève enfin, je suis un peu déçu, j'aurais peut-être pu rentrer par mes propres moyens.
A 1milles de l'arrivée, un semi-rigide des sea-rescue vient prendre le relais pour le remorquage, je me sens gêné de déranger tous ces gens, mais ça ce fait d'une manière si naturelle et professionnelle, que l'entraide entre marin semble couler de source.
Photo Jenny Crickmore-Thompson
Une demi heure plus tard je suis amarrée, au quai d'entrée à Tuzzi Gazi, j'aperçois avec étonnement deux singes qui se trimbalent sur le quai.
Exploit. Yann Quenet arrivé en Afrique du Sud sur son minuscule voilier : « Je m’attendais au pire »
Parti de La Réunion le 18 octobre, le marin Breton qui réalise un tour
du monde sur Baluchon, un minuscule voilier de 4 mètres construit de ses
mains, est arrivé lundi à Richards Bay en Afrique du Sud. Après
22 jours d’une traversée difficile qu’il raconte à Voiles et Voiliers.
Entre pétole, gros coups de vent et forts courants, Yann n’a pas été
épargné. Il avoue même, non sans humour, être sorti de sa « zone de
confort » ! Prochaine étape : Le Cap. À la voile… ou en voiture avec
remorque.
Pour prendre connaissance des informations météo du lieu positionné et observations calculées (vitesse moyenne, distances parcourues...): Cliquer sur le point de situation.
Parti le même jour que Baluchon, l'équipage d' Orialis [ Projet SlowTrip] est arrivée aujourd'hui en Afrique du Sud; il nous partage une vidéo de leur traversée entre la réunion et Richards Bay 👍😀😎