Construction de Baluchon

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jeudi 30 juin 2022

Récit de la Traversée Brésil - Açores

Yann QUENET nous dévoile son interview à Voiles et Voiliers sur sa page Facebook;

"Pour ceux qui ne sont pas abonnés à Voiles et Voiliers, une retranscription de l'interview. "

 
Photo: Magaly de Falbala.


 
Interview de Yann Quenet aux Açores : « J’ai cru que mon bateau allait exploser ! »
[Par Christophe FAVREAU de Voiles et Voiliers]
 
Même s’il a progressé à vitesse lente, au près la quasi-totalité du temps depuis son départ du Brésil il y a 62 jours, le marin minimaliste breton parti à l’assaut du monde il y a près de trois ans à bord de son micro voilier de 4 mètres de long à bien cru sa dernière heure arrivée, pris dans un grain dantesque alors qu’il tentait de s’extirper d’un méchant pot au noir. Contacté par Voiles et Voiliers, il raconte cet épisode spectaculaire.
 
"Je ne m’étais pas vraiment préparé à un tel scénario"
 
Voiles et Voiliers : Yann, vous devez être content d’arriver enfin non ? C’était plus long que prévu !
 
Yann Quenet : Oui c’est vrai ! Mais c’était bien quand même. J’avais imaginé une remontée d’une quarantaine de jours pour rejoindre les Açores au départ du Brésil (Yann avait quitté la Marina Jacaré situé à une centaine de kilomètres au Nord de Recife le 26 avril dernier, NDR) mais j’aurais finalement mis 62 jours pour rejoindre les Açores. J’ai été un peu trop optimiste ! Toute la zone des alizés s’est faite dans 25 nœuds au près, ce qui sur un bateau normal est déjà un peu dur mais sur un bateau de 4 mètres seulement, ça secoue beaucoup ! Après le Cap Vert, l’alizé était beaucoup plus modéré mais du coup je n’allais vraiment pas vite, avec des moyennes journalières d’une cinquantaine de milles. Je reconnais que c’était un peu long d’autant que je ne m’étais pas vraiment préparé à un tel scénario, contrairement à mon départ de Nouvelle-Calédonie en direction de l’île de la Réunion. Là je savais que cela allait être long mais ce périple n’a finalement duré que 15 jours de plus que cette remontée du nord du Brésil vers les Açores, beaucoup moins longue théoriquement. J’ai même fait l’erreur de m’enthousiasmer trop vite à la fin des alizés quand j’ai commencé à faire cap direct vers les Açores. J’ai fait l’erreur de penser que je n’en avais plus que pour 10 jours alors que j’ai finalement mis un mois à rejoindre Horta ! Une grosse dépression a généré du vent de Nord qui m’a barré la route. J’ai dû le prendre avec philosophie et me dire que j’allais bien arriver un jour quelque part ! Il fallait rester stoïque et vivre la navigation au jour le jour, sans se projeter.
"C’était vraiment cauchemardesque. J’ai même cru que ma fin arrivait."
 
Voiles et Voiliers : Et comment s’est passée la traversée du pot au noir ?
 
Yann Quenet :  J’en ai bien bavé ! J’ai notamment dû affronter un grain terrible, une tornade tellement forte que j’ai cru que mon bateau allait exploser ! Cela a duré un quart d’heure mais c’était absolument incroyable, démentiel… J’ai vraiment cru que mon petit Baluchon allait se disloquer. C’était à la tombée de la nuit, après une longue journée sans vent. Il faisait extrêmement chaud et il s’est mis à faire tout noir d’un seul coup. Le vent est monté, très très fort, au point que même à sec de toile, le bateau gîtait à 45 degrés, tout le temps de ce phénomène extrême. Le compas est devenu fou. J’ai été secoué très violemment sans trop comprendre ce qui m’arrivait. C’était vraiment angoissant car j’avais eu jusqu’ici totalement confiance dans la solidité de mon bateau mais la violence des éléments dépassait les limites de l’entendement. Je ne savais plus si l’eau qui tombait en trombe arrivait du ciel où de mer, cela venait de partout. La pression était telle que cela dégoulinait partout à l’intérieur. C’était vraiment cauchemardesque. J’ai même cru que ma fin arrivait. Et puis tout est soudainement redevenu très calme, au bout d’une quinzaine de minutes.
"J’ai vraiment cru que c’était la fin des haricots"
 
Voiles et Voiliers : C’est finalement votre premier vrai moment de grosse inquiétude sur ce tour du monde.
 
Yann Quenet : Oui c’est vrai. J’ai vraiment cru que c’était la fin des haricots. Comme je le disais, j’ai eu une traversée du pot au noir compliquée qui s’est passée en deux temps, avec une première partie de vent faible, des grains suivis d’une période de vent d’Est relativement faible mais gérable. Je pensais avoir passé cette zone délicate mais au bout de trois ou quatre jours, je suis retombé dans une zone infernale avec des grains beaucoup très violents auxquels succédaient une absence totale de vent et une chaleur insupportable.
"L’eau était vraiment imbuvable !"
 
Voiles et Voiliers : Cela vous a au moins permis de récupérer pas mal d’eau…
 
Yann Quenet : Il est vrai que j’en ai récupéré beaucoup dans cette traversée musclée du pot au noir mais cette remontée de l’Atlantique a duré tellement longtemps que j’ai dû remettre en service mon petit dessalinisateur à main, ce qui n’a pas été sans conséquence puisque l’eau produite était infecte ! Normalement il faut le rincer assez régulièrement mais je ne l’avais pas fait depuis ma traversée Nouvelle-Calédonie – Réunion… Du coup, l’eau était vraiment imbuvable ! Bon, c’était mieux que de ne pas avoir d’eau du tout mais il fallait que je me force pour boire. Bon, cela reste malgré tout anecdotique.
 
Voiles et Voiliers : Cette navigation exclusivement au près doit faire de vous un spécialiste de cette allure à bord de Baluchon désormais !
 
Yann Quenet : Oui ! D’autant qu’avec mon petit gréement (une voile enroulée autour d’un mât pivotant qui fait office d’enrouleur à l’avant du bateau, NDR), je pouvais faire des réglages au quart de poil sans avoir besoin du safran. Je pouvais régler mon cap et ma vitesse rien qu’en jouant sur l’enroulement de la voile autour du mât. J’ai bien progressé sur le réglage subtil de ce gréement au près. Je n’ai d’ailleurs quasiment pas du tout utilisé le régulateur d’allure. Ces 62 jours de navigation m’auront au moins appris celà !

"faut être un peu stoïque et prendre l’adversité comme elle vient"
 
Voiles et Voiliers : Revenons sur la longueur imprévue de cette remontée de l’Atlantique en provenance du Brésil. À quel moment avez-vous commencé à vous rationner en nourriture ?
 
Yann Quenet : Quand le vent est repassé au Nord, après que je pensais pouvoir tirer tout droit vers les Açores, j’ai compris que cela serait beaucoup plus long que prévu et j’ai commencé à compter tout ce qui me restait de nourriture, en me basant sur les prédictions les plus pessimistes qui soit cette fois. Je me suis basé sur une estimation de 55 jours. Mais ce n’était pas encore suffisant . J’ai donc dû me rationner encore plus avant d’arriver aux Açores. C’est là qu’il faut être un peu stoïque et prendre l’adversité comme elle vient.
 
Voiles et Voiliers : Ce qui est un peu dans votre nature !
 
Yann Quenet : Probablement ! Je suis un peu comme ça mais si je reconnais que sur cette traversée, je suis parti un peu le nez au vent et, même si cela n’a pas été vraiment plus dur que les autres étapes de ce tour du monde, j’ai dû me réadapter à la longueur inattendue de ce parcours en cours de route, ce qui m’a demandé de travailler un peu sur moi, même s’il est vrai, je pense que j’ai sans doute un peu de prédispositions naturelles pour traverser ce genre de situations.
"Maintenant que je suis à Horta, je vais pouvoir dessiner le nom de mon bateau sur le quai comme le veut la tradition ici !"
 
Voiles et Voiliers : Vous êtes arrivé ce lundi 27 juin au matin. Quels sont vos plans maintenant ?
 
Yann Quenet : Je vais devoir réduire un peu le temps initial que je voulais consacrer à cette escale. J’ai eu une arrivée très sympa avec beaucoup de gens intrigués par la taille de mon bateau ou d’autres qui étaient contents de me voir car ils suivent mon aventure. Maintenant que je suis à Horta, je vais pouvoir dessiner le nom de mon bateau sur le quai comme le veut la tradition ici. J’ai juste fait un petit détour autour du monde avant (rires). Et puis, je retrouve des gens que je connais déjà, avec qui j’ai noué des affinités tout au long de mon périple entrepris il y a bientôt 3 ans. J’ai prévu de revenir en Bretagne début août. Je pensais initialement rester un mois mais ce ne sera finalement qu’une dizaine de jours.
 
Voiles et Voiliers : Directement vers Saint-Brieuc, là où vous avez construit votre micro voilier Baluchon dans votre garage pour 4 000 € ?
 
Yann Quenet : Oui a priori. Il va falloir retrouver un travail, gagner de l’argent, remettre des chaussures, faire ma déclaration d’impôts… Bref, des trucs de grandes personnes ce qui ne m’enchante pas vraiment mais bon, j’ai aussi d’autres projets enthousiasmants qui vont m’aider à supporter tout cela. Ce tour du monde m’a permis d’apprendre à supporter beaucoup de choses !